
03/04/2004 - 08/09/2004
Mélancolie
    Je t'écris aujourd'hui, pourtant sous le soleil,
    Mais mon coeur est empli par la mélancolie...
    Pas la tristesse oh non, non ce n'est pas pareil,
    Qu'un trop lourd baluchon à traîner dans la vie.
    C'est comme s'il manquait... on ne sait jamais quoi :
    Un ruisseau, un' forêt au milieu du désert,
    Un jardinet secret sur la lune aux abois,
    Le silence parfait au plus fort d'un concert,
    Un baiser amoureux au sexe des putains,
    Ton sexe capricieux quand tu me prends la main,
    Le repos du guerrier au creux de l'aventure,
    Le rire d'un bébé du fond des sépultures,
    Une danse endiablée au sommet des montagnes,
    Une bièr' déguisée en bulles de champagne,
    Le joint que l'on fumait quand on avait trop bu,
    L'amour qu'on arrachait dans le cou des faubourgs,
    Un futur imparfait qu'on a déjà vécu,
    C'est comme s'il manquait ce qu'il manque toujours.
    Je t'écris aujourd'hui, je t'écris  moi non plus,
    Et mon stylo se plie sous la mélancolie,
    Mais ce que je te crie, amour l'entendras-tu ?
    Je n'entends moi aussi que le bruit de la pluie.
    Entends-tu le vacarme au fond du silence ?
    Ça ressemble à une arme éructant dans la nuit,
    C'est comme une décharge ou un air qui se danse,
    Comme la corne au large à mil lieues d'où je suis,
    Le cor de Ronceveau sonnant en arabesques,
    Le râle du blaireau qui sent qu'il y est presque,
    Le fracas du tonnerre après un jour trop chaud,
    Les éclats de la guerre à l'appel des hérauts,
    Les pleurs d'un nouveau né qu'on écarte du sein,
    L'aveu au flic zélé même si tu n'as rien,
    L'émoi d'un baiser déposé dans ton cou,
    Ta fleur qui veut mouiller appelant sa semence,
    Le flic-floc d'une larme apparue d'on n' sait où,
    Peut-être du vacarme enviant le silence.
    Je t'écris aujourd'hui avec la main qui tremble,
    Le coeur tout alourdi par la mélancolie,
    Ell' me souffle des mots que pourtant il me semble
    Avoir chantés plus tôt à ton âme attendrie.
    Elle me vient en mots de sable et d'océans,
    De jardins de coraux, de ta propre lagune,
    Lorsque je m'assoupis sous la bise du vent,
    Elle vient jusqu'ici pour me conter tes dunes,
    Dans le creux de tes seins, du mont entre tes cuisses,
    Quand mon sexe anodin consciemment s'y glisse,
    Lorsqu' on a tell'ment joui que l'on est tell'ment bien,
    Qu'au fond de notre ennui il ne reste plus rien,
    Quand le soleil peut bien s'arrêter de tourner,
    Que son goût de chagrin reste au fond du gosier,
    Quand on voudrait rester avec sa Solitude,
    Qu'on voudrait la tuer et voir son agonie,
    Te suivant comme un chien ou comme une habitude,
    La mélancolie vient comme vient une amie.
    Je t'écris aujourd'hui, le coeur chaud de soleil,
    Qui brillerait la nuit sur ta peau tant chérie,
    Sous tes draps, sous ton lit, attendant ton réveil,
    De ses rayons bleuis par la mélancolie.
03/04/04
Histoire d'oeil
    Vous n'avez pas idée
    Du monde qui vit
    De l'autre côté de mes paupières
    À toi
    Je dirai
    Je te raconterai
    Ces couleurs
    Que je ne sais même pas
    Placer sur l'arc-en-ciel
    Ces danses dénudées
    Qui doivent être espagnoles
    Tellement le soleil
    Orchestre leur musique
    Et la mer
    La vraie
    Qu'on appelle océan
    Coule dans mes larmes
    Comme coule la bruine
    Sur mes lunettes de tempête
    Lorsque je regarde les miroirs
    Je sais qu'ils me voient
    Et plus profond encore
    Que toi tu ne peux me voir
    Et je leur parle parfois
    Attendant qu'ils répondent
    Et qu'ils me content
    L'envers de mes paupières
    Là où le mauve creuse son sillon
    Parmi le bleu marine des rêves
    Et les miroirs m'appellent
    Sans savoir me nommer
    Qui es-tu ?
    Toi que je connais
    Sans jamais
    Te saisir complètement
    Ôte ces habits
    Que je puisse savoir ton corps
    Ôte cette peau de soie
    Ôte cette chair pécheresse
    Ôte ces os
    Même pas liquides
    Es-tu encore là ?
    Que reste-t-il de toi ?
    Un désir ?
    Pendu à tes lèvres
    Celles qui sont cachées
    Sous la morale
    Publique, forcément
    Et qui veulent s'échapper
    Pour rejoindre l'océan
    Parfois il te reste des mots
    Le Verbe absolu
    Et des relents de poésie
    Mais tes lèvres sont immobiles
    Celles que l'on lit
    Et l'on n'y lit plus qu'un baiser
    « Qui palpite là comme une petite bête »
    Parle !
    Dis-moi
    L'envers de tes paupières
    Me vois-tu encore ?
    Je suis là pourtant
    Toujours
    Si tu ne me crois pas
    Tu peux me goûter
    Tu te souviendras bien
    Du goût que j'ai
    Celui de la mer
    La vraie
    Qu'on appelle océan
    Et qui vient s'échouer
    Entre tes dunes attentives
    Vous n'avez pas idée
    De ce que je vois
    Les paupières closes
    Comme ces maisons
    Où l'on clôture la Chose
    Les danseuses de flamenco
    Font pourtant un bruit d'enfer
    Claquant les talons
    Sur le paquet de braise
    Clac clac clac clac
    « De l'autre côté des paupières »
    Scène un, troisième prise
    Vous n'avez pas idée
    Du film qui se déroule
    Lorsque je ferme les yeux
    Comme une cigarette que l'on roule
    Entre ses doigts
    Avec un zeste de plaisir
    Entre les lèvres
    Celles qui m'aspirent
    En chantant
    Des chants que je ne comprends pas
    Des mots à la voix grave
    Comme un accent de fumée
    Le Verbe à la voix rauque
    Qui vient te bercer
    Quand la nuit est tombée
    Brusquement
    Comme ton urine d'or dans la cuvette
    La Nuit
    Avec sa lune dorée
    Et ses regards perdus
    Qui cherchent quoi chercher
    Les étoiles sont trop peu nombreuses
    Quand on compte la Nuit
    Regarde
    J'ai des milliards d'yeux
    Qui voient
    Derrière mes paupières
On ferme !
    Une dernière tournée
    Quand même
    Parce qu'il reste des couleurs
    Qu'on n'a pas encore placées
    Parmi les arcs-en-ciel
    Il reste des marées
    Qui remontent dans mon gosier
    Comme le flux et le reflux
    Du bassin des danseuses espagnoles
    Et il en resterait encore
    Si tu n'étais pas là
    Si belle
    À admirer
16/04/04
Sang vert
    Debout ! Il faut toujours te tenir bien debout
    Si ton poing est serré alors sers-toi du poing
    Décroche les lunes le soleil est au bout
    Raccroche ton portable il ne te sert à rien
    Dans tes yeux certains soirs un raz d'marée se tord
    Dans chacun de tes pas les pavés se soulèvent
    Dans les cris que tu cries les voyell's se colorent
    Dans tes crocs bien sortis j'imagine ta sève
    Bats-toi contre le vent mêm' s'il faut te courber
    Bats-toi face aux marées qui t'engluent sur la plage
    Bats-toi avec tes arm's car nous somm's tous armés
    Bats-toi dès qu'on te dit de rester là bien sage
    Crache sur ton miroir lorsqu'il veut te séduire
    Postillonne à la gueul' de tes propres amis
    Vomis tes ennemis jusqu'à les faire frire
    Vide-toi en entier dès le lever du lit
    Car ta révolution n'attendra pas plus longtemps
    Car cette rébellion est l'oeil pour enfin voir
    Car seule la révolte accouche tes enfants
    Car « le désordre c'est l'ordre moins le pouvoir »
    Debout ! Il faut toujours te tenir bien debout
    Prêt à te mettre en marche au moindre coup de feu
    Annonçant le départ peu importe pour où
    L'essentiel est d'aller loin loin vers d'autres cieux
    Si ton poing est serré alors sers-toi du poing
    Pour cogner et frapper sur les tabl's du réel
    D'un coup de poing bien fort faire saigner les groins
    Et lève le bien haut pour mieux frapper le ciel
    Décroche les lunes le soleil est au bout
    Alors tire le fil déroule la pelote
    Jusqu'à atteindre l'astre et lui tordre le cou
    Pour n'avoir pas assez illuminer ta grotte
    Raccroche ton portable il ne te sert à rien
    Il ne sait que mentir sans te laisser le temps
    De déjouer ses tours de manège importun
    Apprends à le laisser tourner dans le néant
    Dans tes yeux certains soirs un raz d'marée se tord
    Et il vient se pointer à la pointe du sein
    Déchirant ton t-shirt pour mieux pointer dehors
    Te soulever le coeur sous une pluie d'embruns
    Dans chacun de tes pas les pavés se soulèvent
    Pour t'ouvrir le chemin jusqu'au creux de mes bras
    Là tu te sens si bien que seuls deux ou trois rêves
    Pourraient te retenir de paver tes émois
    Dans les cris que tu cries les voyell's se colorent
    Pour épouser l'essence ensoleillée d'la nuit
    De son charme étoilé qui jamais ne t'endort
    Glissant dans les aigus qui s'aiguis'nt quand tu jouis
    Dans tes crocs bien sortis j'imagine ta sève
    Prête à envenimer les âmes incertaines
    Qu'un coup d'oeil désempare et qu'un coup d'gueule achève
    Qu'un coup de foudre embrase et qu'un coup d'vent ramène
    Bats-toi contre le vent mêm' s'il faut te courber
    Fonce tête en avant pour défier les tempêtes
    Avec toute ta force embaumée par l'été
    Tu laisseras derrière un parfum de violette
    Bats-toi face aux marées qui t'engluent sur la plage
    Suis les pour t'éloigner puis dis-leur au-revoir
    Ta route continue bien après leur passage
    Il faut savoir quitter ces marées d'un seul soir
    Bats-toi avec tes arm's car nous somm's tous armés
    Sous les fusils rouillés qui nous sortent des yeux
    Les balles giclent bleues et le sang est teinté
    De ces couleurs d'enfer qui font de nous des dieux
    Bats-toi dès qu'on te dit de rester là bien sage
    Ta place n'est jamais ici et maintenant
    C'est plus loin et demain que s'exprime ta rage
    Demain c'est aujourd'hui quand on commande au temps
    Crache sur ton miroir lorsqu'il veut te séduire
    Lorsqu'il te fait plus beau que tu ne te connais
    Car tu sais ta beauté depuis que tu sais lire
    Rien ne peut te tromper pas même ton reflet
    Postillonne à la gueul' de tes propres amis
    Ils te remercieront délectés de salive
    Ils savent cet amour de t'avoir dans leur lit
    Et ils t'embrasseront puisque par toi ils vivent
    Vomis tes ennemis jusqu'à les faire frire
    Tu n'es pas si cruel depuis l'temps que tu meurs
    Tue ceux que tu veux tuer et éclate de rire
    En voyant leurs veuves au travers de tes pleurs
    Vide-toi en entier dès le lever du lit
    Et envoie tes baisers à qui voudra les prendre
    Oh tu trouveras bien dans le lit de la nuit
    Un sexe en érection qui viendrait de se pendre
    Car ta révolution n'attendra pas plus longtemps
    Ne manque pas l'instant où déferle l'orgasme
    Plonge-toi en entier dans ton con ruisselant
    Pour mieux éclabousser ce monde pris de spasmes
    Car cette rébellion est l'oeil pour enfin voir
    Ce qu'on te tient caché dans la signalétique
    Ce triangle isocèle à cribler l'isoloir
    Avec ta solitude accroché à ta trique
    Car seule la révolte accouche tes enfants
    Si tu as une femme alors baise ta femme
    Et conte-lui tout bas tes désirs d'elle ardents
    Que naisse de son creux ce crime qui te crame
    Car « le désordre c'est l'ordre moins le pouvoir »
    Ton enfant naîtra libr' la vie entre les dents
    Cet enfant du désordre il est ta propre histoire
    Féminine et radieuse à l'épreuve du sang
15/04/04
Où l'on se dérida
L'art et la vie même sont-ils condamnés à passer par la déconstruction ? Tout se résume à trouver l'aiguille qui pourra crever la baudruche qui nous entoure. Rimbaud a perdu sa jambe, Van Gogh son oreille et Ravel son cerveau. Recevez par la poste ce qui vous fera vomir et peut-être qu'enfin il jaillira de vous des dormeurs troués, des tournesols ou des boléros. Mais après ? Après ? Faucher les tournesols ! Ressusciter les dormeurs en les couvrant de baisers ! Tout ce qui se bâtit sur les décombres devient à nouveau susceptible d'être inscrit sur un permis de démolition -- qu'il vous sera loisible d'aller quémander à la mairie de votre arrondissement, si on ne l'a pas encore plastiquée.
Nous n'avons pas la grâce ni la vacuité des Pénélopes. Ce que nous détricotons n'est en aucun cas le pull-over de l'attente. Nous n'attendons plus. Ou alors pour tromper l'urgence qu'on voudrait nous faire croire inéluctable. De toute façon les chandails ne sont jamais qu'une forme déconstruite des moutons. Alors on nous invente la Mode. Et on la détricote dès qu'elle commence a être portée. Moi ? Je me farde de nudité. Mais bientôt on ne pourra plus voir un sexe en érection au milieu d'un salon sans qu'il nous rappelle celui qu'on a connu dans l'isoloir.
La solitude est le seul rempart qu'il faut sans cesse construire. Et encore... Elle se meut dans le langage que d'autres savent parler. Le Verbe naît dans la solitude et meurt aussitôt puisque d'autres le comprennent. Alors on s'échange des baisers, on se trouve, on se plaît, on copule et l'on donne naissance à des êtres qui inventent leur propre langage. Ah cet instant pur et divin où l'on balbutie des mots qui viennent de nulle part, sinon des océans, et que les adultes cherchent absolument à faire rentrer dans les cases carrées où le rond n'a pas sa place !
Et pourtant... pourtant... Ce bonheur d'être assis à une terrasse ensoleillée où la barmaid aux seins lourds te sert des sangria à la fraise. Écouter les conversations futiles des couples qui se déchirent lorsque l'ennui prend la place du sexe dans le lit qu'on partage. Attendre qu'un accent italien vous chante une bière au milieu des nananas bobos, des cuisses qui embrassent le printemps et des chevelures rousses qui sirotent un brin de communisme. Ah...
Casser tout ça ! S'inviter dans des blue-jeans qui ne t'appartiennent pas et trinquer avec la mort lorsqu'elle veut jouer aux échecs en laissant passer son tour. Cracher à la gueule des miroirs lorsqu'ils commencent à répondre à tes interrogations. Dégueuler du Verbe jusqu'à se sentir vide avec encore la peau et les os à démonter. Casser l'adjectif car il n'est qu'une matérialisation désolée de la pauvreté qui nous sert de capital linguistique. Déchiqueter les dictionnaires qui ne restent jamais longtemps intacts et démolir les temples académiques où l'on accepte maintenant les Sans Déité Fixe.
Les ruines sont les lieux où enfin l'Espoir devient lui aussi une forme supérieure de la Critique. Lorsqu'on a tout démoli avec la lucidité du désespoir, lorsque les parpaings ont tous été jetés à la gueule du pouvoir, lorsque le feu a fini de cramer les arbres qui, loin de la cacher, sont la forêt, lorsque les pierres éparpillées racontent l'histoire séculaire de nos ébats désenchantés et la promesse incomprise qui nous tient lieu de vie, alors... alors la glace fond dans nos bouches avec cet envie furieuse de mordre au bâtonnet, alors les poitrines se gonflent d'un désir qui se laisserait caresser pour mieux se croire désirable, alors les chemisiers s'ouvrent pour laisser voir battre les coeurs. Mais ma parole ! Ça vit à l'intérieur !
Et alors on se prend à rêver que ce coeur qui bat ne batte que pour soi et qu'il cogne, pour peu que le soleil lui chauffe les ventricules, vers un lendemain qui ne serait pas qu'un travesti d'aujourd'hui, avec ses couilles qui pendent encore à la place du con où tout se construit. Pour que demain existe il faut que le passé soit dépucelé. Tu t'en vas ? Déjà ? Pourquoi ? Tu sais je t'attendrai hier avec la patience que des siècles d'agonie m'ont apprise. Dans ton Vésuve, la lave a érigé des tours que l'on peut détruire. Et qui s'en priverait ? Passé une certaine hauteur, les constructions les plus fragiles sont à la recherche d'auteurs qui veulent s'y scratcher.
Les droits d'auteur ? Ah ! Ils ne sont que l'antithèse de la propriété. À qui appartient les ruines ? À ceux qui ont démoli les murs emprisonnant qui nous confinent dans l'habitude ? Ou aux génies triomphant qui sont venu y planter un drapeau sorti d'on ne sait quelle lampe magique ? Les mots ne pouvant plus s'agencer sur une terre vierge, ils s'offrent corps et âme aux michetons de passage et racolent dans les rayons où on leur garde une place de choix s'ils sont assez "sex" pour passer à la télé. Alors ils appartiennent à celui qui aura assez de fric pour se les approprier. Putes de luxe ou livres de poche, alexandrins ou vieille traînée : tu payes avec ce que tu as dans les bourses. Alors tout est à toi, tu peux fixer du regard ton bien, ton précieux, ton objet.
« J'ai l'impression que tu ne me regardes que comme un objet » m'a-t-elle dit un jour. Et alors ? Comment voudrais-tu que je puisse te voir ? Avec cet oeil de cyclope qui te mate depuis l'intérieur ? Le regard bien droit ? Heureux Courbet ! J'ai des millions d'yeux dermiques qui se gonflent lorsqu'ils sont en toi, puis qui pleurent des larmes blanches. Quand je te vois, j'ai l'impression que tu me mettrais en quarantaine si mes voleurs se retenaient de te détourner sur ma tour sous la menace d'armes blanches. Mais si tu n'étais pas objet, je ne te verrais même pas, connasse !
Il n'est pas d'image qui ne prenne vie sans avoir été diluée dans le prisme de l'objectif. Il n'est pas de corps qui ne s'épanouisse sans avoir connu l'intrusion d'un corps étranger. L'acte sexuel comme l'acte créatif naît de la déconstruction de l'instant qui précède. Il n'est pas d'histoire en marche si le passé reste intact. Inviolé. Lorsque je mettrai un enfant au monde, c'est que tu m'auras violé.
03/05/04
Des larmes
    Des larmes mouillant sur la peau
    Là, comme une caresse à la joue de satin
    Qu'on voudrait tant lécher d'un revers de la main
    Pour en garder le goût salé et rempli d'eau
    Des larmes triées sur le mauve
    Des qu'on laisse couler quand le coeur est trop chaud
    Et qu'il faudrait souffler des flammes flamenco
    Qui dansent dans les yeux quand le chagrin se sauve
    Des larmes vidant le trop-plein
    Sur le coeur, dans le sang et sous la poésie
    D'un printemps embrumé par la mélancolie
    Qui dans les vers trempés cherche un brin de câlin
    Des larmes, des larmes, des larmes
    Et des pleureurs amers qui les jettent plus fort
    Transperçant l'ennemi pointant son nez dehors
    Pour lui trancher la vie avec le froid d'une arme
04/05/04
In vino veritas
    C'est frais comme un jardin qu'on aime grappiller
    Quand le jus de raisin vient vous désassoiffer
    Quand le froid se réchauffe au contact de la gorge
    Quand les jours sont vermeils dans les nuits de Saint-Georges.
    C'est un refrain chantant au bras de ses amis
    Qui vous entraîne loin dans les bas de la nuit
    Quand les langues délient leur salive cachée
    Et que l'on se confie entre quelque gorgées.
    C'est une vérité qu'on dirait de bohème
    Qui brille dans les yeux ouverts sur des diadèmes
    Qui voient comme un voyant se mourant dans le noir
    D'une lucidité qui ne dure qu'un soir.
    C'est un peu de sommeil ensablant les paupières
    Qui vient vous assommer de berceuses légères
    Avant de s'endormir les rêves sont peuplés
    De fesses rebondies, de cuisses écartées.
    C'est l'alcool de Guillaume et l'absinthe de Paul
    Quand la rime les prend, les tenant par le col
    Sur les routes de Jack titubent les falaises
    En bonne compagnie on se sent plus à l'aise.
    C'est le fracas cassé dans une robe rouge
    De ces anges déchus finissant dans un bouge
    Et qui refont le monde au long des nuits sans fin
    Pour mieux le démolir lorsque vient le matin.
    C'est au coeur de l'Éden comme un baiser parfait
    Dont se soûl'raient les dieux si les dieux existaient
    Que je t'offre amoureux, qu'avec toi je partage
    Encore bien meilleur au bout de six ans d'âge
04/05/04
Élégance du geste
    Avez-vous remarqué que toujours les danseuses
    Arc-boutent leur pied d'un geste vertueux
    Et dans un mouvement délicat et gracieux
    Leur peton qui se tend les rend tendancieuses ?
    Avez-vous rêvassé suivant d'un regard biais
    Ce rythme lancinant qu'échafaude leur corps
    Jusqu'aux extrémités qui en bandent encor
    Lorsque leur pied cambré vous appelle muet ?
    Avez-vous salivé qu'il ne dans' que pour vous
    Fragile et élégant ganté de son bas noir
    Qu'on voudrait remonter jusque dans l'isoloir
    Sur le dos d'un saumon remontant jusqu'au bout ?
    La félicité naît d'un désir qui s'élance
    Lorsque l'on prend son pied c'est toujours une danse
05/05/04
Inventaire imparfait
    J'avais des nuits et des brouillards
    Qui ne se confiaient qu'à moi
    Deux lunes pendues à mes soirs
    Jalousant le soleil tout bas
    Deux ou trois chansons aux talons
    M'apaisaient en sifflant mon ombre
    Des fois qu'ell' se tir' pour de bon
    Dans les ruines de mes décombres
    J'avais des crayons de lumière
    Qui faisaient les arcs-en-ciel bleus
    Du ciel à repeindre la Terre
    Tell'ment qu'ça débordait un peu
    Des cartouches d'octosyllabes
    Pour flinguer les alexandrins
    D'un grand coup de tambour arabe
    Avant qu'ils crèvent comm' des chiens
    J'avais l'Espoir en bandoulière
    Hissé sur un grand drapeau noir
    Et quelques envies meurtrières
    Bien planquées derrière un comptoir
    Des flots de tendresse opportune
    Prêts à enlacer bien au chaud
    Chaque licorne d'infortune
    Que j'entends cogner sous ma peau
    J'avais de l'or dans les prunelles
    Qui guidaient mes pas dans la nuit
    Un sexe rasé de pucelle
    Accroché au-dessus du lit
    Une âme escaladant l'été
    Qui s'enroulait au creux des ronds
    Quand l'automne avait tant fumé
    Qu'il manquait d'air dans mes poumons
    J'avais le vent pour ramener
    Les plus vieux souvenirs d'enfance
    Et mes dix doigts pour bien compter
    Tous les lendemains que j'agence
    L'océan et ses chevaux blancs
    Qui me remontaient en écume
    Du fond de mon ventre d'amant
    Chatouillé par six mille plumes
    J'avais des rêves de désert
    Qui moisissaient au vestibule
    Les yeux qui s'inondaient de vert
    Pour éponger les canicules
    La rage au bout des baïonnettes
    J'allais défricher les bastilles
    Qui déprimaient dans leurs guinguettes
    S'il venait à manquer de filles
    J'avais Berlin, Prague et Moscou
    Au fond d'une valise aphone
    Les accents des quatre cent coups
    S'en revenant de Barcelone
    Le long couteau de l'Anarchie
    Tranchant le brouillard et le pain
    Comme l'on découpe sa vie
    Pour mieux trier les lendemains
    J'avais toi, toi, toi et puis toi
    Pour regonfler ma propre vie
    Tes bras, ton cul et tes émois
    Où reposait mon alchimie
    Ta mer je venais m'y baigner
    Comme l'on plonge dans l'amour
    Et j'y laissais un goût fruité
    Qu'tu portais sur toi nuit et jour
    Qu'tu portais sur toi nuit et jour
06/05/04
La mer qu'on appelle océan
    L'océan cogne dans mes veines
    Et vient s'infiltrer sous ma peau
    Avec sa force surhumaine
    Il s'épuise dans mon cerveau
    Ces mots qu'il porte et qu'il enjôle
    Depuis avant l'aube des temps
    Ça doit faire lourd sur les épaules
    Ces mots qui valent leur pesant
    Et il sait conter des histoires
    Que même Ulysse crut oublier
    Des qui datent de la nuit noire
    Des qui ont longtemps navigué
    Sur ses chevaux d'écume blanche
    Sous son limon d'après demain
    Dans sa mémoire que j'emmanche
    Quand je m'écoule entre ses seins
    Et dans la rumeur des tempêtes
    Son chant claque comme un drapeau
    Les paroles se font plus nettes
    Comme la lame d'un couteau
    Ses lames tranchent les blessures
    Balançant leur archer salé
    Qui s'élance sur la mesure
    Creusant l'usure des rochers
    Écoute bien ô ma sirène
    Tu pourras entendre ton nom
    Qui revient comme une rengaine
    Avec le mien dans son sillon
    La mer joue les entremetteuses
    Pour les amants montés à bord
    Dans son palais son eau lécheuse
    Mouille de caresses leurs corps
    Ce ciel qui a fait la bascule
    Ce sombre azur au bleu profond
    Crachant l'eau de ses ventricules
    Pour oxygéner ses poumons
    Cet horizon à la renverse
    M'arraisonne dans mon sommeil
    Lorsque mes rêves se déversent
    Sur sa nostalgie de soleil
    D'un coup d'aile je deviens mouette
    Suggérant ma voilure aux flots
    Pour qu'à ma poitrine ils s'allaitent
    Quand il floconne à demi-mot
    La neige envolée en écume
    Où se dessèchent les rochers
    Drapés sous la pudique brume
    Qui s'enfile comme un collier
    Et cette clameur retenue
    Et ce silence des bas fonds
    Qui glisse sur notre peau nue
    Comme pour piquer nos soupçons
    Cette tranquillité aqueuse
    Effrayante d'immensité
    Pourrait bien devenir houleuse
    En bifurquant son chemisier
    Et lorsque ses chiens se déchaînent
    Lorsque tonne leur grondement
    Lorsque la ronde des sirènes
    Déferle sur les subconscients
    Le sang s'éteint dans la morsure
    Et se noie sous ces crocs guerriers
    Que la violence défigure
    Comme l'automne tue l'été
    Ô souviens-toi de ces falaises
    Rappelle-toi de ces réveils
    Où nos coeurs retrouvaient leurs aises
    Près des rochers aux tons vermeils
    À nos pieds s'échouait Neptune
    Et ses naïades s'inclinaient
    Devant nos baisers de fortune
    Que l'océan même embrassait
    Je suis sûr que dans sa matrice
    Éclosent un jour les enfants
    Que la nuit en tendre complice
    Lui souffle en désirs ruisselants
    L'océan couve en chaque étoile
    Ceux qui ne sont encore nés
    Et les protège de son voile
    Et leur insuffle la Beauté
27/05/04
Sigle (improved)
    Ô ma sainte nana céleste et féminine
    J'ai des envies de toi qui me mont'nt à l'échine
    Je t'aime depuis six siècles déjà
    Et même depuis bien avant encore
    Depuis tout ce temps que je vis en toi
    Que tu t'insinues dans ma métaphore
    Avant même que ton nom se prononce
    Je te balbutiais mes désirs sans nom
    Avant même que ta marée s'annonce
    Je nageais en toi dans tes alluvions
    Ô ma sainte nana céleste et féminine
    Quand tu te fonds en moi nos reflets s'illuminent
    Dans chaque miroir où tu te reflètes
    J'attrape ton regard mon ange bleu
    Je te garde ainsi dans mon épuisette
    Épuisé d'envie d'échouer dans tes yeux
    Car les visions que je ne peux pas voir
    C'est par ton regard que je les repère
    Comme ces rêves qui chantent l'espoir
    Et que tu vis derrière mes paupières
    Ô ma sainte nana céleste et féminine
    Il n'y a que ton corps que ma peau imagine
    Je te sais liquide comme la mer
    Prête à envahir tous mes interstices
    Dans la chaleur éprouvée de nos enfers
    Il n'est de paradis qui ne s'y glisse
    Lorsqu'on nage dans des amours limpides
    On s'inonde de flots impétueux
    Que l'on boit dans nos muqueuses avides
    De se noyer à jamais dans le bleu
    Dans le creux de tes bras ce bleu je le devine
    Ô ma sainte nana céleste et féminine
31/05/04
C'est d'la balle
    Un coin de peau qui se découvre
    Comme l'on découvre un pays
    Où soudain les rêves s'entrouvrent
    Sur cette île de paradis
    C'est d'la balle
    Cette Terra Incognita
    Que l'on mourrait tant de fouler
    De caresses à chaque pas
    De tendresse à chaque baiser
    C'est d'la balle
    Ces seins qui sortent de leurs gonds
    Formant en leur creux une crique
    Où l'on ferait le grand plongeon
    Sous le t-shirt en acrylique
    C'est d'la balle
    Et quand ils glissent sur la peau
    Ces habits qu'on dirait de soie
    Le désir perle encor plus chaud
    Qu'une larme qui s'rait de joie
    C'est d'la balle
    Ce va et vient de la marée
    Qui vous enroul' comme une vague
    Tout contre une chair si mouillée
    Qui vous cercle comme une bague
    C'est d'la balle
    Ce cri qui vient de l'infini
    Déchirant toute ambiguïté
    Cet amour sous un sein blotti
    Qui jouit de s'être libéré
    C'est d'la balle
    Ce coin de peau qui se révèle
    Être le plus doux des linceuls
    Quand sous sa couvertur' ruisselle
    Un souvenir qui n'est plus seul
    C'est d'la balle
    Cette terre offrant un asile
    Aux désirs qui s'en vont errant
    Et dans son réconfort tranquille
    S'endorment heureux les amants
    C'est d'la balle
08/06/04
Invitation au voyage
    Viens ! Je t'emmène vers demain
    Dès aujourd'hui nous partirons
    Prends aussi deux ou trois copains
    Et finis d'oublier les cons
    Là-bas tu n'en as plus besoin
    Ah bon ?
    Viens ! Je te ferai croire au mauve
    Je te ferai voir des couleurs
    Qui te suivent si tu te sauves
    Qui se plantent là dans ton coeur
    Comme la morsure d'un fauve
    T'as peur ?
    Viens ! Et l'on ira s'égarer
    Dans des yeux rieurs, des sourires
    Où l'on oubliera volontiers
    Que nos corps tout entiers transpirent
    De ne savoir où se poser
    Sans rire ?
    Viens ! Et si jamais on s'engueule
    Notre solitude on aura
    Qui s'éveillera toute seule
    Lorsqu'elle nous reconnaîtra
    Avec nos désirs sur nos gueules
    T'y crois ?
    Viens ! J'ai des ailes d'albatros
    Qui sav'nt parler avec le vent
    Dans les failles intra-muros
    Elles se déploient comme un chant
    Résonnant dans tout le cosmos
    T'entends ?
    Viens ! Allez viens tout contre moi
    Un nuag' coule entre mes seins
    Un seul mot et il est à toi
    Un seul geste et je t'appartiens
    Comme l'étoile entre tes bas
    Tu viens ?
09/06/04
Je sais ailleurs enfin
    Je voudrais que dans la foule
    Il y ait une voix douce qui s'élève
    Et qui réponde aux histoires que l'on m'a contées
    Il paraît qu'une fois qu'on touche terre
    Il n'y a plus moyen d'en décoller
    On m'a dit que seuls le mauve et le bleu
    Permettaient de respirer
    Moi, je respire dans ma chair
    Entre mes nuits, je vois qu'il reste des étoiles
    Qui se satisfont des deux lunes
    Pourtant il faut casser les habitudes
    Je sais...
    Parfois j'ai envie de n'être que moi
    Mais c'est là que tu viens me chercher
    Et puis je t'aime alors à quoi bon ?
    Certains chevaux dans la mer se laissent monter
    Alors je m'accroche à ta crinière
    Et j'ai des flashes de toi qui se kaléidoscopent
    Mettant de la lumière à ma mémoire
    Le soleil je l'ai touché un beau soir de juin
    Et j'ai mis une couche d'été à l'automne
    Parce que tu es plus jolie en jupe légère
    Et parce qu'il fait assez froid ailleurs
    Ailleurs...
    Il faudra désormais des taxis qui sachent voler
    Et dont le compteur tournerait aussi vite que la Terre
    Sans quoi nos utopies bleutées nous rattraperaient
    L'espace d'un instant j'ai cru en moi
    Puis j'ai écarté le temps jusqu'à l'infini
    J'ai saupoudré ton corps de mes lèvres
    Si bien que tu m'as baptisé baiser
    Un jour mon corps apaisé se couvrira de roses
    Et au milieu des pétales où tes larmes se nicheront
    Il restera toujours trois ou quatre épines
    Pour nous protéger du brouillard de la foule
    Enfin...
09/06/04
Troubles de la mémoire
    Je me souviens qu'un jour j'avais de la mémoire
    Pleine de souvenirs nageant à la surface
    Comm' des scaphandriers enlevant leurs cuirasses
    Pour venir respirer un air aléatoire
    Je me rappelle bien ces souv'nirs en rafale
    Qui remontaient en choeur se tirant en cordée
    Arrivant au sommet d'une joie délivrée
    Après une escalade émergeant d'un dédale
    Mais ce satané temps a brouillé ma mémoire
    Toujours y empilant oh toujours plus d'histoires
    Comment s'y retrouver au milieu de ce souk
    Je n'sais même' plus quel nom j'ai le plus oublié
    De tous ces disparus que j'ai semé en rout'
    Alors j'répèt' le tien au bout de mes baisers
14/06/04
Vivaldi
    Si le printemps c'est bien joli
    Avec ses fleurs qui ressurgissent
    Ses urgences qui refleurissent
    Et son p'tit air de colibri
    Si l'automne est tant grandiose
    Toute habillée de symphonies
    De couleur et de nostalgies
    Effeuillant même jusqu'aux roses
    Si l'hiver a cette sagesse
    Que l'on prête aux cheveux tout blancs
    Qui disent au revoir au Temps
    Avec un bouquet de tendresse
    Moi ce que j'aime c'est l'été
    Qui fait refleurir les poitrines
    En les saupoudrant d'érotine
    Dans ses parfums ensoleillés
    Lorsque le désir se fait jupe
    Que d'outrageuses éclaircies
    Fendent les cuisses à l'envie
    Pour que le vent s'en préoccupe
    Lorsqu'un délicat brin de soie
    Fait un lit à la suggestion
    Qui se gonfle sous les poumons
    Où les rayons ardents flamboient
    Lorsque l'imaginaire en vogue
    N'a plus qu'un voile à écarter
    Pour que son charme alambiqué
    S'épile au long de l'épilogue
    Ô cette gorge de l'été
    Et son air chaud qui vous envoûte
    De son blues au bleu qui s'ajoute
    Aux rivières au corps léger
21/06/04
Paternité
    Il faudra lui apprendre à percer les nuages
    Pour découvrir le ciel bleu même sous la nuit
    À défier l'hiver et ses espoirs blanchis
    À modeler le temps sans lui donne de gages
    Il faudra le conduire à travers les écueils
    Qui souillent l'océan où sa mer se prolonge
    À travers les forêts où son ombre se plonge
    Sous l'orage imprévu des idéaux en deuil
    L'espérance est à lui l'enfant de l'innocence
    À ses yeux mal voyants à ses poings trop petits
    Pour frapper de rage aux portes de l'enfance
    Qui s'ouvriront sur l'air où respire un répit
    Le désordre du monde est à portée de lune
    Il faudra lui montrer comment il se saisit
    Comment il se combat dans l'aurore opportune
    Sans l'oppression des lois qu'une impression détruit
    Il faudra lui chanter des refrains de neuvième
    Avec une guitare ouverte sur l'amour
    Quand la musique au ventre évite les discours
    Épousant la cadence enivrée de poèmes
    Il faudra des voiliers s'envolant des jupons
    Portant son corps léger lorsque la bise vente
    Et s'il lui manque une aile il faudra des passantes
    Qui de fil en aiguille enfilent l'horizon
    Il faudra lui montrer ces rues où l'on ne va
    Que lorsqu'on est perdu la gueule au fond d'un rêve
    Et ces nuits et ces jours qui lui ouvrent leurs bras
    Pour y flâner encor quand l'infini s'achève
    Écoute-moi chanter mon enfant de demain
    J'ai des chansons de vent qui berceront ta vie
    Et tu t'endormiras sur des alexandrins
    Et l'imagination comme le poing brandie
26/06/04
Urgence de la solitude
    Il n'est pas d'urgence moins négociable
    Que celle qui te fait te retourner
    Vers ce doux état de l'être sociable
    Que la solitude essaie de nommer
    Tu nais seul et de même tu mourras
    Entre les deux : rien ! Ou sinon ta vie
    Passée entre ces moments d'apparat
    Où tu côtoies ces autres que tu fuis
    L'Autre est un animal si effroyable
    Qui te voit en effroyable animal
    Pour un peu il se montrerait aimable
    Et tu l'aimerais et c'est bien normal
    Puisque lui aussi t'aime infiniment
    De cet amour qui casse l'habitude
    Et qui dépose au sexe des amants
    Le pouvoir de marier deux solitudes
29/06/04
Ce seul mot
    Quand tes lèvres s'entrouvriront
    Et que pour la première fois
    Elles prononceront un son
    Drapé de couleurs et d'éclat
    Ce mot couvera dans son oeuf
    La plus merveilleuse merveille
    Sans qui les astres seraient veufs
    Comme une lun' qui s'ensoleille
    Ce mot qui sera ton premier
    Sera comme une poésie
    Comme un accent d'éternité
    Quand on oublie qu'elle est enfuie
    Lorsqu'arrive seul de la nuit
    Un chant que l'on a toujours su
    Mais qui n'avait jamais surgi
    De crainte de se montrer nu
    Il en viendra d'autres bien sûr
    Qui cavaleront des collines
    Et qui déploieront dans l'azur
    Leurs ailes qui se croient divines
    Mais dans l'instant de ce mot là
    Tout sera à réinventer
    La musique d'or se taira
    Se retenant de respirer
    Et j'enverrai ce mot béni
    Polleniser dans les étoiles
    Là il sera bien accueilli
    Entre des seins gonflant leurs voiles
    Les bateaux du ciel le prendront
    À leurs bords comme un camarade
    L'emmenant dans des pays blonds
    Où luit la croupe des naïades
    Ce mot s'écoulant de l'aurore
    Ce mot défaisant les orages
    Cette poésie indolore
    Pour une fois sans cri sans rage
    Ce seul mot de toi tout entier
    Clamant toutes les poésies
    Je l'oublierai le chercherai
    Dans tout le reste de ma vie
20/07/04
Diktat du oui
    Il est des paradis perdus
    Où les filles disent
    Toujours
    Tout de suite
    « oui »
    Alors on s'y ennuie
    Et l'on n'y revient plus
    Voyez-vous ?
    Acquiescer comme ça
    À tout va
    Ça manque de démocratie !
    C'est que voyez-vous
    (en jetant aux enfers vos orbites oculaires
    pour vous fier davantage aux milliards d'yeux
    qui fleurissent sur votre peau)
    Voyez-vous c'est que ces femmes
    En tout sujet
    Et devant n'importe quel interlocuteur
    Ne pensent qu'à l'Amour
    Avec ce A majuscule qui fait
    Que l'on se tait devant une Arme
    Aussi tranchante que la Musique
    Que l'on crie à l'Absolu
    Devant le spectacle de l'Océan
    Qui déferle devant vous de ses six cent mille chevaux
    Que l'on désire l'Autre
    Autant qu'on le craint
    Quand on s'aperçoit qu'il n'existe
    Que dans l'échafaudage d'un miroir infidèle
    Qui fait que l'on ne peut dire « non »
    À un Amour
    Qui se présente devant vous
    La poitrine découverte
    Par un coeur battant trop fort
    Il est des paradis perdus
    Où l'on se délecte d'un coin de peau
    Tellement qu'on appelle le Soleil par son nom
    Et qu'on le prie de briller un peu plus
    Juste assez
    Pour que brillent les cuisses
    De ces femmes qui disent « oui »
    Sans qu'on leur demande
    Il suffit d'un sourire asiatique ou d'un regard persan
    Et le coin de peau vient vous caresser
    L'imaginaire
    Et tout coule de là
    De cette Source
    Que des lèvres fredonnent :
    De ce chagrin salé qui coule entre les cuisses
    De cette source bue qu'on ne fait que happer
    Qui chauffe le gosier comme un bouquet d'épices
    Qu'il est doux qu'il est bon ô de s'y ressourcer
    À ce fleuve aux amants à l'allure tranquille
    À ce cheval fougueux que l'on chevauche à cru
    Qui vous emmène loin mais qui se fait docile
    À ma source éclairée que ne t'abreuves-tu ?
    Et il naît des songes
    Au-delà des rêves
    Où l'ozone est érogène
    Où chaque geste esquissé
    Se déroule au ralenti
    Avec une somptueuse précision
    À faire pâlir la mathématique
    Où l'on emprunte des chemins
    À la géométrie toute relative
    Qui conduisent inévitablement
    Vers ces oasis
    Qui toujours
    Tout de suite
    Disent « oui ».
23/07/04
Ton sentiment
    Les pages s'envolant en brise
    Il me reste ton sentiment
    Ton sentiment qui se déguise
    Dans chaque souffle chaud du vent
    Ton sentiment qui tourbillonne
    À en déchirer les tympans
    Comme feuille morte à l'automne
    Ou plume légère au printemps
    Ton sentiment qui déshabille
    Ton sentiment qui se nourrit
    De cette nudité de fille
    Qui sur ta peau a fait son lit
    Ton sentiment d'entre tes cuisses
    Ton sentiment d'entre tes seins
    Ton sentiment toujours propice
    À balancer dans ton bassin
    Ton sentiment qui se fait femme
    Au milieu de mon féminin
    Ton sentiment pénétrant l'âme
    De mes désirs intra-urbains
    Les pages s'envolant en brise
    Sous les caresses des amants
    Il reste ta Terre promise
    Ton sentiment ton sentiment
    Et mes rives bleues se colorent
    De ces parfums que tu habites
    Ton absence m'est indolore
    Car ton sentiment ne me quitte
    La ville s'est faite sensuelle
    En pleurant ta beauté subite
    Qui s'incruste dans mes prunelles
    Que ton seul sentiment excite
    Ton sentiment d'entre tes cuisses
    Drapé de soie et de satin
    Comme un baiser sur ta peau glisse
    Comme une source entre tes reins
    Mon bel oiseau ô ma tendresse
    Que n'avons-nous assez volé
    À travers ces cieux de caresses
    Que ton sentiment sait trouver ?
    Que n'avons-nous écrit les ailes
    Pour doucement un peu planer
    Sur ton sentiment où si belle
    Tu viens chaque nuit te poser ?
    Et mes rives bleues se colorent
    De ces ailes jamais écrites
    Quand ton sentiment prend encore
    Vers mes verts rivages la fuite
    Ton sentiment calme et tranquille
    Adossé sur le sable fin
    Dont nos rêves couvrent la ville
    Lorsque tout le reste est éteint
    Ton sentiment sur ta poitrine
    Soulevant une inspiration
    Comme une muse en mandoline
    Venant aiguiser mon violon
    Mon bel oiseau ô ma tendresse
    Repose-toi à mes côtés
    Laisse doucement sur tes fesses
    Ton sentiment s'ennaviguer
    Et dans sa jeunesse éternelle
    Ton sentiment a tant nagé
    Que la vie éprise et fidèle
    Vient chaque jour le raviver
    Émergeant de chaudes abysses
    Il prend son souffle à respirer
    Et dans l'azur de tes iris
    Ton sentiment bat ressourcé
    Ton sentiment calme et tranquille
    D'un rire s'éveille soudain
    Écarquillé comme une pile
    Ton sentiment luciole enfin
    Les pages s'envolant en brise
    Il me reste comme un délice
    Ton sentiment d'entre tes cuisses
    Dans une steppe qui me grise
    Et mes rives bleues se colorent
    De ton sentiment ma princesse
    Mon bel oiseau ô ma tendresse
    Je m'enivre de ton aurore
    Ton sentiment calme et tranquille
    Chaque nuit me refait pucelle
    Et dans sa jeunesse éternelle
    Sur mon corps il vague gracile
12/08/04
L'espace d'une vie
    L'espace d'une lune elle m'est apparue
    L'innocente vision qui vous transforme en dieu
    Comm' si la vérité ne brillait toute nue
    Que le temps qu'un éclair s'enflamme dans vos yeux
    J'ai connu un pays qui s'appelle l'enfance
    Où ces instants duraient jusqu'au prochain matin
    Où chaque blanc nuage était un jeu immense
    Prétexte à démolir les desseins du destin
    Et là s'échaffaudaient des mondes fantastiques
    Des univers entiers faits de briques légo
    Des sports imaginés des jeux extralympiques
    Des féeries d'amour et des romans pornos
    Je tenais dans mes mains une vie à construire
    Je me fis architecte et ouvrit le chantier
    Je gardais ma folie préservée du délire
    Pour peindre un édific' que je pourrais signer
    Mon rêve consigné au fond de poésies
    J'éprouvais cette douce euphorie du maçon
    Qui sait bien qu'une fois une maison finie
    Son rêve érigera la prochaine maison
    La poésie s'agite agençant ses murailles
    Sa rime et sa métrique encadrant ses élans
    Évitant à ce coeur qui rythme ses entrailles
    De battre hors de propos plus vite que le temps
    Vers après vers se meut l'ouvrage du poème
    Serpentant dans le sable où surgit son décors
    Chaque quatrain cimente à grands coups de « je t'aime »
    Chaque espace bleuté qui épouse son corps
    Et dans ce sûr couloir ô sainte liberté
    Qu'il est bon qu'il est doux lorsque l'esprit navigue
    De balbutier son désir à l'abri de la digue
    Qui sertie de sonnets est venue l'embrasser
    Et dans cette embrasure on se laisse glisser
    Emporté par les mots ceux qui tissent la fresque
    Aigus comme une extase ils vous arrachent presque
    Une giclée spermée de créativité
    L'espace d'une lune il est des poésies
    Qui vous écrivent plus que vous les écrivez
    L'espace d'un recueil mille ans de votre vie
    Devant vos yeux courbés ont d'un coup défilé
    Il y eut dans le creux de cette vie des failles
    Plaies ouvertes en grand brûlées par le soleil
    Enfonçant ses rayons jusque dans les entrailles
    Comme une alarm' sonnant juste avant le réveil
    Prévenu de la foudre et des risques d'orages
    J'ai puisé dans la faille une idée de l'enfer
    Qui se souvient de moi lorsque s'avance l'âge
    Et que j'oublierais d'écouter son tonnerr'
    L'espace d'une lune il poussa des armures
    Qui me servirent d'ail's pour voler dans le temps
    Emmenant dans mon bec quelques pierres bien dures
    À poser sur le mur et sur mon sentiment
    Au long du chemin vert il y eut ces bleus d'orange
    Que la terre fait sienne à l'orage passé
    Dans une dominante affermie mais étrange
    Que le Temps à nouveau s'est mis à dominer
    Il me fallait un coeur qui console et rassure
    Avec assez de bras, de culs à contenter
    Avec assez d"émoi pour combler les fêlures
    Il me fallait un coeur sachant comment m'aimer
    La quête commença alors dans l'espérance
    D'un sexe à adorer au bord du féminin
    Sans dormir une nuit je cherchais une chance
    À qui je sourirais en découvrant ses seins
    Et j'appris à aimer sans m'oublier moi-même
    Et puis à m'oublier tout à fait dans l'amour
    L'équilibre est parfait lorsque vraiment l'on aime
    Et qu'on est prêt à vivre ou mourir tous les jours
    J'ai connu les douleurs qui viennent de l'attente
    De l'espoir grossissant jusqu'à vous englober
    Dans son voile innocent et d'une tumeur lente
    Je l'ai vu doucement en désespoir muer
    J'ai connu aussi cette fée électrique
    Qui tiraille les sens et fait croire au bonheur
    Qui vous perche là-haut dans un ciel de musique
    Où si passionnément les violons jouent en choeur
    Et je t'ai connue toi l'espace d'une vie
    Et nous avons appris à construire un amour
    Jour après jour avec la patience infinie
    Qui bâtit les déserts, mers et cieux tour à tour
    L'espace entre l'espace était, ah ! la Musique...
    Parfaite construction parmi les constructions
    Concordance des temps rêverie mélodique
    La musique est un cri qui vient de l'abandon
    S'abandonnant entière à quelque étroite gamme
    Ell' sait la liberté d'être sainte et putain
    De fair' ce qui lui plaît au bon gré de son âme
    Pourvu qu'elle soit belle à envoûter un saint
    Et elle s'insinue jusque sous la chasuble
    Pointant là sous la peau comme un sein trop gonflé
    Qu'un battement de coeur au rythme irrésoluble
    Soulèverait des nues pour le faire danser
    La musique est entrée et s'est tapé l'incruste
    À chacun de mes pas elle montrait le la
    D'un flux presque sensuel s'écoulait au plus juste
    Au creux de l'érogène ell' s'insinue en moi
    La poésie parfaite est toujours musicale
    Car elle est ce qui lie ce qui porte et soutient
    Sans la musique au cul l'aube devient bancale
    Et jusqu'au crépuscule agonis' comme un chien
    On ne le sait que trop l'édifice est fragile
    L'espace d'un éclair peut être foudroyé
    Tout ce qui avait mis tant d'efforts si fertiles
    À croître en luxuriant espoir d'éternité
    Il n'est pas de douleur qui soit plus douloureuse
    Que celle remettant en cause en somme tout
    Comm' si une déesse externe et capricieuse
    Venait défoncer votre âme tenant debout
    L'espace d'une lune agonise un soleil
    Comment l'astre divin a-t-il pu oublier
    Que lorsque son amante entame son éveil
    Il est grand temps pour lui de finir d'expirer ?
    Car le jour c'est la nuit et sans nuit plus de jour
    Il n'est aucun automne ignoré des saisons
    De vague sans tempête aucune nuit sans jour
    Toute construction doit inclur' sa destruction
    Après tout on ne vit dès sa propre naissance
    Qu'en connaissant très bien quel sera notre sort
    Et l'on passe sa vie dans cette connaissance
    Qui ne nous quitte pas : la vie inclut la mort
    L'espace d'une lune ou d'une vie qu'importe !
    Mais que de cet espace il reste un souvenir
    Solidement gravé dans ces chants que colport'nt
    Poètes et marins à bord de leurs navir's
    Qu'il te reste ce goût quand ma lèvre se sauve
    Déposant sur ton corps des comètes de sel
    Cet éternel instant où tu jouis dans le mauve
    Avec mon plus beau rêve à portée de ton ciel
    Je veux que quelque part mon sang indélébile
    Se déverse sans fin sur ceux qui m'ont aimé
    Comme la mer se noie d'un coup de langue agile
    Dans les rochers s'incruste et s'offr' l'éternité
    Que dans l'azur tombant quand le soleil sur la dune
    Disparaît dans la nuit que reviennent ces vers
    Où je rêvais tout haut aux secrets des deux lunes
    Que j'étais leur ami partageant leur éther
    J'aimerais que mes mots creusent le temps qui passe
    S'y forgeant un écho âgé de dix mille ans
    On ne vit après tout que pour laisser des traces
    Où puisse se tracer celle de notre enfant
    Cet enfant qui déjà galipette en ton ventre
    Que je ne fais que rêver au milieu de mes vers
    Qui m'a déjà tourné le coeur tout à l'envers
    Vers qui dès maintenant mes rimes se concentrent
    L'enfant de toi et moi je le vois dans mes larmes
    Quand il ne fera plus que dormir et téter
    Agrippant ton sein nu comme pour respirer
    Sans même y penser trop, inconscient de son charme
    Lors je lui bâtirai son tout premier berceau
    Là où il construira ses premières rêv'ries
    Dans la musique songe émanant de ta peau
    Où ton parfum compos' toute une symphonie
    Dans les yeux de la nuit perché sur une étoile
    Pour le moment il n'est que l'insondable écho
    Qui gigote ses pieds pour shooter dans mes mots
    Les envoyant au but là où je peins sa toile
    Plus belle oeuvre je crois je n'en connais aucune
    Car cet enfant tout bleu est vêtu de couleurs
    Que l'arc-en-ciel ignore en sa peinture en pleurs
    Et il vivra aussi l'espace d'une lune...
08/09/04